J'écris ces lignes comme un moyen d'exorciser cette peur qui a été mienne pendant la première année de la vie de mes enfants. J'écris cela aussi, car je n'ai trouvé aucun témoignage, aucune littérature la dessus susceptible de m'aider. On dirait qu'aucun père n'a ressenti ce genre de difficultés ou bien est ce déshonorant d'en parler je ne sais pas. Alors pour combler ce manque, je me lance.

Je fais un aparté sur ce que j’ai pu ressentir pendant les six premiers mois au moins de la vie des jumeaux. Tout d’abord, jamais je n’aurais pensé ressentir des sentiments aussi intenses. Des sentiments qui vous prennent les tripes et vous ne pouvez rien faire pour les éviter. Comme quelqu’un qui le soir venu vous emmène dans les toilettes et vous met la tête dans la cuvette des WC. La nourriture n'avait plus de goût du tout. Je me forçais, même, à la manger. Si on m'avait dit, un jour, que les pizzas étaient si dure à manger j'aurais bien rigolé. J'ai perdu quelques kilos. Tant mieux, cela m'a fait le plus grand bien. Bien entendu, tout les soirs ne ressemblaient pas à cela mais je peux dire qu’à chaque pleur, je sentais comme une aiguille me piquer les yeux et m’obligeant à me lever tel un samouraï prêt au combat. J’étais debout avant même que Sandrine n’ouvre un oeil. Et cette peur incontrôlable, cette impuissance le soir au moment de se coucher quand un des deux commençait à pleurer, en me demandant quel est le mal dont il souffre et que la nuit allait être longue. Je peux dire que j’ai connu l’impuissance dans une situation et toute la puissance de celle-ci, le sentiment que de toute façon cela se passera et que je ressentirais ses couteaux me taillader les tripes à chaque pleur. Je me suis senti complètement seul et démuni. Je n’avais pas les bonnes armes. La vie continue tout de même. Heureusement que le temps est le même pour tout le monde :-). Bien sur, une sage femme est venue les premiers temps pour voir comment cela se passait et pour discuter. J’étais demandeurs, elle m’écoutais mais impossible de lui crier ce que je pouvais ressentir. Elle a essayé de me rassurer mais pour la première fois de ma vie, j’ai eu peur. Et cette peur n’était pas une peur fugace l’espace d’un mauvais joint ou d’une cuite limite mais une angoisse irrépressible qui me boulottait gentiment quand venait le soir. Certains soirs, je devais compter beaucoup de moutons avant de m’endormir, tout ça pour m’assoupir une petite heure avant les premiers cris des biberons. Y’a pas de justice !!! Il y avait des nuits paisibles aussi. Où les tétés se passaient plutôt bien. Et où je m’appesantissait sur le sommeil de ma progéniture. Profitant d’un instant d’éternité avec mon fils ou ma fille au coeur du fauteuil et de la nuit.